viernes, 8 de junio de 2012

Día diez


Le mieux serait d´écrire les évenements au jour le jour. Tenir un journal pour y voir clair. Ne pas laisser échapper les nuances, les petits faits, même s´ils n´ont  l´air de rien, et surtout les classer. Il faut dire comment je vois cette table, la rue, les gens, mon paquet de tabac, puisque c´est cela qui a changé. Il faut déterminer exactement  l´etendue et la nature de ce changement.
Par exemple, voici un étui de carton qui contient ma bouteille d´encre. Il faudrait essayer de dire comment je le voyais avant et comment à présent je le
Eh bien, c´est un parallélipipède rectangle, il se détache sur... c´est idiot, il ne faut pas mettre de l´étrange où il n´y a rien. Je pense que cést le danger si l´on teint un jornal: on s´exagère tout, on est aux aguets, on force continuellement la vérité. D´autre part, il est certain que je peux d´un moment à l´autre -et précisément à propos de cet étui ou de n´importe quel autre objet- retrouver cette impression d´avant-hier. Je dois être prêt, sinon elle me glissait encore entre les doigts. Il ne faut rien mais noter soigneusement et dans le plus grand détail tout ce qui se produit.
Naturellement je ne peux plus rien écrire de net sur ces histoires de samedi et d´avant-hier, j´en suis déjà trop éloigné; ce que je peux dire seulement, c´est que, ni dans l´un ni dans l´autre cas, il n´y a rien eu de ce qu´on appelle à l´ordinaire un événement.
Samedi les gamins jouaient aux ricochets, et je voulais lancer comme eux un caillou dans la mer. À ce moment-là je me suis arrêté, j´ai laissé tomber le caillou et je suis parti. Je devais avoir l´air égaré, probablement, puisque les gamins ont ri derrière mon dos.
Voilà pour l´extérieur. Ce qui s´est passé en moi n´a pas laissé de traces claires. Il y avait quelque chose que j´ai vu et qui m´a dégoûté, mais je ne sais plus si je regardais le mer ou le galet. Le galet était plat, sec sur tout un côté, humide et boueux sur l´autre. Je le tenais par les bords, avec les doigts très écartés, pour éviter de me salir.
Avant-hier, c´était beaucoup plus compliqué. Et il y a eu aussi cette suite de coïncidences, de quiproquos, que je ne m´explique pas. Mais je vais pas m´amuser à mettre tout cela sur le papier. Enfin il est certain que j´ai eu peur ou quelque sentiment de ce genre. Si je savais seulement de quoi j´ai eu peur, j´aurais déjà fait un gran pas.
Ce qu´il y a de curieux, c´est que je ne suis pas du tout disposé à me croire fou; je vois même avec évidence que je ne le suis pas: tous ces changements concernent les objets. Au moins c´est ce dont je voudrais être sûr.
La Naussé, Jean-Paul Sartre



Biografía
Técnica mixta
36 x 60 cm.


Lo mejor sería escribir los acontecimientos cotidianamente. Llevar un diario para comprenderlos. No dejar escapar los matices, los hechos menudos, aunque parezcan fruslerías, y sobre todo clasificarlos. Es preciso decir cómo veo esta mesa, la calle, la gente, mi paquete de tabaco, ya que es esto lo que ha cambiado. Es preciso determinar exactamente el alcance y la naturaleza de este cambio.
Por ejemplo, ésta es una caja de cartón que contiene la botella de tinta. Habría que tratar de decir como la veía antes y cómo la          ahora. ¡Bueno! Es un paralelepípedo rectángulo; se recorta sobre...es estúpido, no hay nada que decir. Pienso que éste es el peligro de llevar un diario: se exagera todo, uno está al acecho, forzando continuamente la verdad. Por otra parte, es cierto que de un momento a otro -y precisamente a propósito de esta caja o de otro objeto cualquiera-, puedo recuperar la impresión de ayer. Debo estar siempre preparado, o se me escurrirá una vez más entre los dedos. No     nada, sino anotar con cuidado y prolijo detalle todo lo que se produce.
Naturalmente, ya no puedo escribir nada claro sobre las cuestiones del miércoles y de anteayer; estoy demasiado lejos; lo único que puedo decir es que en ninguno de los dos casos hubo nada de lo que de ordinario se llama un acontecimiento. El sábado los chicos jugaban a las cabrillas y yo quise tirar, como ellos, un guijarro al agua. En ese momento me detuve, dejé caer el gujarro y me fui. Debí de parecer chiflado, probablemente, pues los chicos se rieron a mis espaldas.
Esto en cuanto a lo exterior. Lo que sucedió en mí no ha dejado huellas. Había algo que vi y que me disgustó, pero ya no sé si miraba el mar o la piedrecita. La piedra era chata, seca de un lado, húmeda y fangosa del otro. Yo la tenía por los bordes, con los dedos muy separados para no ensuciarme.
Ante ayer fue mucho más complicado. Y hubo además esa serie de coincidencias y de quid pro quos que no me explico. Pero no me entetendré poniendo todo esto por escrito. En fin; lo cierto es que tuve miedo o algo por el estilo. Si por lo menos supiera de qué tuve miedo, ya sería un gran paso.
Lo curioso es que no estoy nada dispuesto a creerme loco; hasta veo con evidencia, que no lo estoy: todos los cambios conciernen a los objetos. Por lo menos, quisiera estar seguro de esto.
La Náusea, Jean-Paul Sartre

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